La colonisation française

Expansion lente et ruine rapide (1533-1763)

La colonisation française, initiée par François 1er est d’abord portée par des motivations politiques. La protection du roi envers les armateurs et les marins permet à la France de s’affirmer devant les grandes nations maritimes de l’époque, l’Espagne et le Portugal. Très rapidement, l’espoir de conquête de nouvelles richesses justifie la mission de Jacques Cartier pour trouver un autre passage vers l’ouest. La déception est grande, le Canada n’offre pas aux Français les quantités d’or ou les fabuleuses cargaisons d’épices récoltées de leurs côtés par les Espagnols ou les Portugais. Les vraies richesses résident en fait dans la découverte du Saint-Laurent et sa voie d’accès à ce qui sera bientôt Montréal. C’est l’ouverture vers de nouvelles explorations et l’établissement du domaine français d’Amérique.

François 1er se détourne rapidement de ces projets pour se concentrer sur des préoccupations continentales. Plus tard, l’amiral Coligny les reprend et les amplifie. Il vise à entrer en concurrence en Amérique avec l’Espagne et à créer des refuges protestants, points de départ d’une expansion future. L’opposition des Portugais provoque l’échec d’une 1ère tentative d’implantation en baie de Rio de Janeiro en 1560. Suivent des expéditions en Floride qui n’aboutissent pas non plus à des succès éclatants.

Contre l’avis de Sully qui estime le projet démesuré, Henri IV commandite des entreprises lointaines. Ainsi, Samuel de Champlain, d’abord attiré par les perspectives minières et chargé de trouver un passage vers la Chine et les Indes orientales, ouvre des voies de pénétration et crée Québec.

Il faut ensuite attendre Richelieu pour que la volonté de colonisation revienne au premier plan avec l’idée d’affaiblir les influences de l’Espagne, de l’Angleterre et des Provinces-Unies. L’État dispense privilèges et monopoles auprès de grandes compagnies commerçantes et reste donc le maître d’œuvre. Cette politique ne rencontre un véritable succès qu’aux Antilles et ne permet qu’un maintien de l’existant au Canada. En Afrique, la lutte constante contre les Barbaresques limite les possibilités d’établissement sur les côtes algériennes, mais une « habitation » est installée à l’embouchure du Sénégal et à Madagascar.

Malgré le désintérêt de Mazarin, cette impulsion permet un maintien de ces embryons de colonies jusqu’à ce que Colbert leur insuffle un nouveau dynamisme. Son idée est de développer la prospérité économique de la France en utilisant ces annexes pour lui fournir ce qu’il lui manque. Depuis Christophe Colomb, il reste toujours l’espoir de trouver une voie pour rejoindre la Chine et l’Orient en passant par l’ouest. C’est cette idée qui mène Cavelier de la Salle à partir de 1669. Il conquiert la Louisiane et la France possède maintenant une bonne implantation en Amérique du nord. Le développement de la canne à sucre aux Antilles laisse présager des richesses considérables et impacte l’intensification de la traite. Pour y faire face, la France s’arroge la côte du Cap-Vert à la Gambie. L’implantation de cette colonie est aussi stratégique par sa position sur la route des Indes orientales. Elle est complétée par d’autres à Madagascar, puis à l’Île Bourbon (La Réunion) en 1671. Aux Indes mêmes, le comptoir de Surate cède rapidement la place à celui de Pondichéry (1673), nouvelle capitale coloniale. A la mort de Colbert, l’empire colonial français repose toujours sur des assises essentiellement américaines.

Certains succès outre-mer accompagnent la fin de règne de Louis XIV : victoire sur les Iroquois et pacification générale au Canada, pénétration vers l’intérieur des terres le long du fleuve Sénégal en Afrique, établissement de troupes à Bangkok, extension considérable de l’influence française en Inde qui engendre des rivalités avec l’Angleterre. Un long duel s’engage en effet à partir de 1688 qui ne se terminera réellement qu’en 1815. L’enjeu en est la domination de la mer et la mainmise sur les colonies. L’intérêt de la France pour ses colonies orientales est bien supérieur à celui qu’elle montre pour ses établissements américains et les pertes liées aux traités d’Utrecht lui semblent légères. En effet, il lui reste un domaine colonial encore plus vaste que celui de l’Angleterre.

Le règne de Louis XV voit l’apogée du premier domaine colonial français malgré la relative indifférence du gouvernement. La création de La Nouvelle Orléans (1718), la conquête de la Prairie jusqu’aux montagnes Rocheuses et du Missouri moyen (1728-1763), l’extension du domaine royal aux Antilles, l’installation de comptoirs en Méditerranée, l’exploitation des établissements du Sénégal, l’occupation de ce qui devient l’Île de France (Île Maurice) et l’implantation d’un véritable protectorat géré par la Compagnie sur un immense territoire des Indes orientales sont alors autant d’illustrations du potentiel colonial de la France.

L’effondrement de cet empire survient lors de la guerre de 7 ans avec, entre autre, la chute de Québec (1759) et de Pondichéry (1761). Le traité de Paris (1763) entérine le désastre et il ne reste de la Nouvelle-France que Saint-Pierre et Miquelon et un droit de pêche dans l’estuaire du Saint-Laurent et sur les côtes de Terre-Neuve. Louis XV cède La Louisiane à l’Espagne. Plusieurs îles des Antilles sont transférées à l’Angleterre. Des territoires du Sénégal, seule Gorée est maintenue. En revanche, aucun changement n’intervient aux Mascareignes (îles de France et Bourbon). Aux Indes, seuls 5 comptoirs sont conservés sans possibilité de les fortifier.

Ainsi s’effondre le premier domaine colonial français dont on peut estimer la superficie entre 10 et 13 millions de kilomètres carrés, avec peut-être 30 millions d’habitants, et dont il reste alors moins de 40 000 km2 peuplés de quelques 400 000 habitants.

D’après Histoire de la colonie française de Xavier Yacono, Collection que sais-je ?, Édition P.U.F., 128 p

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