2nd Voyage du Sénégal à Gorée

Le capitaine vient d’apprendre qu’il doit emmener des noirs vers Saint-Domingue et il n’est pas content mais il doit obéir et retourner à Gorée où la Compagnie entretien un centre de concentration des esclaves.

Le journal de bord vous est présenté ici sous une forme simplifiée et souvent reformulée afin d’en permettre la lecture à ceux qui ne sont pas familiers du langage marin. Certains mots, soulignés en tiretés permettent l’accès à un lexique. Il suffit de placer le pointeur dessus. Chaque jour est accompagné d’un commentaire qu’il suffit de déplier (signe +) ou replier (signe -) selon les besoins. La version intégrale du journal avec les extraits quotidiens du manuscrit est disponible en téléchargement au format pdf.

Jeudi 19 Septembre 1743

19/09/1743

J’ai commencé à envoyer 12 nègres hommes à bord pour en faire des quartiers maîtres et aider mon équipage dont la moitié est malade et parmi lequel beaucoup sont des enfants. J’ai fait lever l’ancre mouillée. Le câble s’est trouvé endommagé à l’étalingure et l’orin tellement corroyé et ragué qu’on l’a changé.

Samedi 21 Septembre 1743

21/09/1743

A midi ¼, le vaisseau qui a paru hier a mouillé à l’Est de moi et m’a envoyé son capitaine en second qui m’a appris que c’était le Penthièvre, capitaine monsieur Beslin, sorti de Nantes il y a 35 jours, et qu’il venait pour recevoir 550 captifs pour monsieur Michel.

Mardi 24 Septembre 1743

24/09/1743

A 3 heures ½, j’ai vu un vaisseau qui courrait à terre par temps de brume. Peut-être ne savait-il pas être si proche. J’ai tiré un coup de canon. Aussitôt il a mis à l’autre bord.

Dimanche 6 Octobre 1743

06/10/1743

Je suis descendu à terre pour accélérer mon départ et faire revenir mon aumônier à bord, ayant su qu’il voulait rester dans le pays, m’ayant dit qu’il s’était embarqué par jeu et que mon ordre n’était pas précis pour le faire ranger à son devoir de bord. Il y a cependant deux mois qu’il n’y est pas venu nous dire la messe et administrer les sacrements aux malades que j’ai en danger, comme je lui ai dit.

Mardi 8 Octobre 1743

08/10/1743

J’ai eu jusqu’à présent des grains, de la pluie, des orages épouvantables.
Hier au soir sur les 9 heures et 1/2, est décédé le nommé François La Serre, mon 2ème calfat, de Lorient, âgé de 42 ans. Mon aumônier n’étant pas à bord, il n’a pu se confesser ce dont je suis bien fâché. Ce que j’appréhendais est arrivé.

Dimanche 13 Octobre 1743

13/10/1743

A six heures du matin, j’ai eu connaissance d’un vaisseau dans le Nord-Nord-Ouest faisant route au Sud-Ouest. A 10 heures, je ne l’ai plus vu. C »était un brigantin anglais, ayant remarqué son pavillon.

Vendredi 25 Octobre 1743

25/10/1743

A 4 heures du soir, j’ai eu connaissance d’un vaisseau et un bateau et, à 7 heures du soir, il a fait les signaux et a mouillé à mon Sud-Est. C’est la Vestale, de la Compagnie, capitaine Le Houx qui va à Juda. Le bateau est le Lion, pour ici, capitaine le sieur la Fargue. Il est de 90 tonneaux.
Et à 11 heures ce matin, j’ai vu un autre bateau qui a mouillé à midi. C’est le Tigre, capitaine le sieur Laget. Il a rencontré un vaisseau anglais de guerre avant les îles Canaries. Ce vaisseau venait de la Bermude et lui a dit avoir fait rencontre d’un petit bâtiment de la Compagnie nommé la Fière, capitaine monsieur Maugueret et qu’il faisait beaucoup d’eau, Son équipage malade étant aux pompes.

Dimanche 27 Octobre 1743

27/10/1743

J’ai reçu 3 bateaux du Sénégal chargés de différents effets pour Gorée et 50 captifs pour moi. Il est parti un bateau pour Gorée, capitaine sieur St Martin.

Lundi 28 Octobre 1743

28/11/1743

A 4 heures du soir, le vaisseau la Vestale est parti pour aller à Gorée faire son tour à nègres et y faire de l’eau.
Un autre bateau m’a apporté 50 autres captifs.

Mardi 29 Octobre 1743

29/11/1743

A 7 heures du soir, je suis arrivé à bord avec les 50 derniers captifs d’ici et les expéditions tant pour la France, l’Amérique que pour Gorée.
N°1. Mort d’un Bambara qui avait bu de l’eau salée dans le bateau de barre, 6 sans (illisible), âge 22 ans

Mercredi 30 Octobre 1743

30/11/1743

Après avoir fait embarquer le bateau, à 4 heures du soir, j’ai appareillé, mon câble s’étant rompu.
Les courants m’ont porté dans le Sud-Ouest avec violence.
Suivant mon point de midi, le Cap-Vert me reste Est et Sud-Est ¼Est à une, distance de 8 à 9 lieues.

Jeudi 31 Octobre 1743

31/10/1743

J’ai été étonné d’entendre le bruit de brisants, ne me pensant pas si proche de terre. J’ai viré de bord et couru au Nord jusqu’à 4 heures où j’ai reviré et gouverné au Sud-Ouest, espérant que les brisants soient ceux de la pointe des Almadies et que les courants avaient continué à me porter au Sud-Ouest.
J’ai cru les avoir doublés et fus fort surpris au jour de me voir à 2 lieues de la terre et qu’elle courrait dans l’Ouest-Sud-Ouest, ce qui me fait voir que, loin d’être doublé, je ne suis qu’en face de la baie des Almadies. J’ai reconnu les Mamelles.
A 8 heures, comme je remarquais que je tombais à l’Est de la pointe, j’ai fait sonder à 2 lieues de terre, 73 brasses, sable vaseux.
A 11 heures et ½ du matin, j’ai mouillé une ancre à jet, deux grelins. La terre la plus proche est ce qui commence la baie d’Yoff jusqu’à la pointe des Almadies. Cette baie n’est ni si grande ni si dangereuse qu’on la fait.

Vendredi 1er Novembre 1743

01/11/1743

A 5 heures ½, j’ai appareillé.
A midi, j’ai relevé les Mamelles au Sud-Sud-Ouest à 6 lieues et la pointe des Almadies au Sud-Ouest ¼Sud 4° Sud (210°) à 6 lieues.

Samedi 2 Novembre 1743

02/11/1743

J’ai gouverné sur plusieurs routes pour contourner la pointe. A 6 heures du matin, les Mamelles à l’Est-Nord-Est. Suivant la distance que je suis de terre les courants m’ont porté 2 lieues dans l’Est pendant la nuit,
A minuit ¼, il y a eu éclipse de lune qui aA duré jusqu’à 2 h ¾.

Dimanche 3 Novembre 1743

03/11/1743

A minuit, j’ai gouverné au Nord-Est jusqu’à 1 heure où j’ai mouillé par les 14 brasses d’eau, fond de sable vaseux.
Sur les 6 heures du matin, j’ai appareillé et couru sur Rufisque jusqu’à 7 heures où j’ai reviré de bord sur Gorée. A 8 heures¾, les vents ayant manqué, j’ai mouillé par les 18 brasses, sable et vase, coquillages. A 10 heures j’ai réappareillé jusqu’à midi ½ où j’ai reviré sur Gorée.
N°2. Il est mort un nègre de 20 années.

Lundi 4 Novembre 1743

04/11/1743

J’ai tenu un bord au Nord-Est jusqu’à midi et ½ et fait encore un petit bord vers Gorée où j’ai été mouiller par 12 brasses, sable et vaseux et affourcher Sud-Sud-Est et Nord-Nord-Ouest, l’ancre la plus forte au large, et l’autre est celle à jet. J’y ai trouvé le vaisseau la Vestale, capitaine le sieur Le Houx, pour Juda et le sieur St Martin capitaine du bateau du Sénégal.

Mercredi 6 Novembre 1743

06/11/1743

A 8 heures du matin, le vaisseau la Vestale a appareillé pour Juda et le sieur St Martin pour le Sénégal.
J’occupe à peu presque tous mes bateaux et ceux de Gorée à m’expédier promptement tout mon monde mais on ne répond pas à la bonne envie que j’ai d’avancer le travail.

Jeudi 7 Novembre 1743

07/11/1743

N°3. A 7 heures ½, il nous est mort un nègre de fluxion de poitrine. Après l’avoir visité à 9 heures, jeté à la mer.

Samedi 9 Novembre 1743

09/11/1743

J’ai fait incliner le vaisseau pour s’assurer qu’il n’y a pas de tarets et lundi je ferai gratter le vaisseau pour lui donner un goudron.

Mardi 12 Novembre 1743

12/11/1743

J’ai fait tendre mes haubans et étais et me prépare sitôt que j’aurai les captifs.

Dimanche 17 Novembre 1743

17/11/1743

Hier et aujourd’hui, j’ai embarqué tous les captifs que j’avais à prendre à Gorée. 356 têtes avec 151 têtes prises au Sénégal font 507 têtes de nègres.
N°4. Mort d’un Bambara de cœur (?) de ventre, le 14 du mois, âge 24 ans, marqué 6 sur la droite.


Retour à Gorée

Cette carte montre la côte telle qu’elle était connue à l’époque (en noir) comparée à la réalité (en couleur).

Ce voyage vers Gorée a failli être la fin de La Favorite. Pensant pouvoir contourner le Cap-Vert de nuit, la capitaine ne doit son salut qu’aux bruits des brisants qui lui font faire demi-tour. La reconstitution précise du voyage ramenée sur le tracé réel des côtes montre que la frégate était à environ 1/4 d’heure de s’échouer.

La dernière partie de cette étape montre bien comme les captifs étaient considérés comme du bétail. On verra plus loin l’horreur vécue par ces personnes pendant ce transfert.

Loading

Retour en haut