Le journal de bord du vaisseau La Gloire mentionne en date du 4 septembre 1732 un épisode de révolte des Noirs sur un navire anglais. En voici la transcription.
Extrait du voyage du vaisseau de la Compagnie des Indes La Gloire commandé par le sieur de La Chaise pour aller au Sénégal et l’Amérique
Le 7 août 1742 sur les 5h du matin j’ai appareillé de la rade de Lorient et passé par l’Ouest de Saint-Michel. Les vents au Nord et Nord Nord-Ouest avec les bateaux Le Zéphyr et Le Joli. Ayant paré les dangers et prêt à doubler l’île de Groix, le calme m’a pris et les vents venant à Ouest j’ai mouillé à midi avec les deux bateaux par 20 brasses d’eau. Sur les 8h du soir. Le même jour, le vent revenant au Nord, j’ai fait signal aux bateaux d’appareiller et fait route pour aller reconnaître Porto Santo. La mer toujours très belle.
Le 24 du même mois, j’ai vu et passé entre les îles de Forteventure et la Grande-Canarie. Le bateau le Joli et le Zéphyr nous ayant quitté dans la nuit et les bateaux marchant mieux que La Gloire, j’ai continué à faire route pour nous rendre au Sénégal où nous avons mouillé devant l’habitation le 2 septembre à 8h du soir.
Le 3 dudit, après avoir envoyé les paquets à terre et appareillé pour aller à la barre, j’eus connaissance d’un navire dans le Ouest Nord-Ouest de moi, distance de 3 lieues. Je l’ai pris pour La Fière, vaisseau de la Compagnie et j’ai été au mouillage de la barre. Le bateau le Zéphyr étant arrivé un jour avant moi, étant mouillé le 3.
Le 4, j’ai eu connaissance du même vaisseau à 10h du matin qui était pour lors devant l’habitation de la Compagnie.
À midi j’ai été surpris de voir arriver à mon bord un rat (radeau) sur lequel était 3 anglais mourants qui m’ont déclaré être de ce navire nommé La Marie de Londres, venant de Gambie, qu’il y avait 23 jours que la révolte de leurs captifs durait et que tout l’équipage avait été égorgé. Ils avaient pris le parti dans la nuit de se sauver par les fenêtres de la grande chambre où ils étaient enfermés, qu’ayant fait un petit rat il s’était mis dessus où ils avaient plus d’espérance de se sauver, nous voyant, que de rester à la fureur de 150 captifs qu’ils avaient partant de Gambie. Le même jour est arrivé un bateau de Gorée avec plusieurs passagers auquel j’ai donné ordre d’aller après le vaisseau, en attendant que j’eus armé le bateau Le Joli pour aller le joindre. Mais monsieur Rogon, à qui je donnais le commandement de cette expédition, n’a pas pu se rendre à bord du bateau vu le vent qui a soufflé toute la nuit du 4 au 5 avec violence et qui a jeté ce vaisseau à la côte avant qu’on ait pu le joindre. Le bateau de Gorée, commandé par le sieur Lambert étant pour lors à portée de le distinguer, a vu les captifs se sauver à terre, envoyé son canot à bord où il a trouvé encore 8 nègres mauvais et malades avec 3 hommes anglais, 2 mourants et l’autre aux fers par les mains, par les pieds et par le cou. La mer étant très grosse il n’a, à ce qu’il m’a dit, pu sauver que cela qu’il a remis au Sénégal, le vaisseau ayant sombré devant lui. J’ai remis aussi les 3 hommes qui se sont sauvé à mon bord au Sénégal.
Le 7 septembre j’ai commencé à décharger ma cargaison et j’ai remis mes passagers à terre.
Le 23 septembre est arrivé de Gorée La Fière, commandée par le sieur Béhourd.
Le 8 octobre est mort le nommé Henri Perffe, tonnelier.
Le 12 octobre, mort le Révérend Père Molony, aumônier.
Le 12 idem, le nommé Clément Fournier, second canonnier.
Le 14, mort le nommé François Kerguen, mousse.
Le 16, mort le nommé Jean Guillemot, second charpentier.
Le 17, mort le nommé Jacques Gourmelon, matelot.
Le 7 novembre, est mort le nommé Pierre Kerguen, califat.
Le 11 novembre mort Christophe Jézéquel, matelot.
Le 14 novembre, les bateaux ont passé la barre avec le reste de la cargaison mais la mer étant très grosse, il y en a eu un qui n’a pas pu gagner. J’ai été obligé d’appareiller sur lui après avoir cassé une ancre en voulant la lever.
Le 16 novembre, j’ai appareillé avec 551 têtes de nègres et fait route pour le Cap François avec les passagers que le Conseil du Sénégal m’a donnés.
Qui sont
- Le sieur Montfleury, capitaine de bateau à table
- Le sieur Robert, capitaine anglais
- David Donnoheu, pilote anglais à ration et demi
- Joseph Ragousse, pilote de bateau
- Sylvestre Leyele, mousse à ration simple
- Alexandre Dubois, mousse
- François Quillet, soldat
Dans cette traversée sont morts
Savoir
- Est mort le 2 décembre le sieur Robert, capitaine anglais
- Le 8 décembre, mort le nommé Thomas Saget, second maître
- Le 10 décembre, mort le nommé Armel Rio, Bosman
- Le 14 décembre, mort le nommé Joseph menu, cuisinier
Ayant eu toute la traversée le vent bon, la mer belle, j’ai arrivé au Cap François le 18 décembre avec la quantité de 508 têtes de Noirs, en ayant perdu dans la traversée 43.
La vente s’est faite à différentes personnes qui se monte à la somme de 501 125 £.
J’ai parti du Cap le 30 avril avec la jeune Éléonore de Bourdeaux, ayant pour cargaison 255 bocaux de sucre brut, 147 de sucre blanc et 9 quarts ( ?) et 26 quarts de café avec les passagers qui suivent
Savoir
- Monsieur et Madame de Chavagnac, lieutenant de vaisseau
- Monsieur et Madame de Bellevue, habitant
- Madame et mademoiselle Fournier, habitant
- Monsieur Héron, enseigne de vaisseau
- Et leurs domestiques
J’ai été obligé de débouquer à l’Ouest de Morgane par les vents de Nord Est et passé aussi à l’Ouest de la Bermude où j’ai trouvé les vents de Sud-Ouest qui ne m’ont quitté qu’à la sonde.
Le 27 mai, est morte Madame de Chavagnac.
Le 3 juin, est tombé à la mer le nommé Pierre-Marie Violette et s’est noyé.
Le 12, j’ai fait sonder et trouvé le fond par les 90 brasses, fond de sable luisant, petites pierres et grosses coquilles. Je me faisais pour lors dans le Ouest 1/4 Sud-Ouest et Ouest Sud-Ouest de Penmarch, 30 lieues.
Le 14 à 6h du matin, j’ai trouvé à 9 lieues dans l’Ouest de Penmarch un vaisseau anglais de 40 canons qui a mis son canot à la mer et a encore visité si je n’étais pas espagnol, m’ayant hélé de mettre en travers. Ce vaisseau se nomme le Susherland, capitaine xxx.
À 8h j’ai eu connaissance de terre. À midi les Glénans me restaient au Nord-Est, distance de 4 lieues. Le même jour 14 juin, j’ai entré dans la rade à 9h1/2 du soir, à la vérité un peu tard mais la crainte des vents de Nord-Est et les jours étant très longs, nous en avons profité.
N’ayant rien trouvé dans le cours de mon voyage digne de remarque ni ne m’étant rien arrivé, ayant fait mes traversées fort heureuses.
Devis du vaisseau :
Il ne fait point d’eau, se comporte très bien à la mer mais n’est pas grand voilier surtout vent arrière. Je n’ai jamais pu passer plus de 57 lieues du temps le plus favorable que je puisse avoir. Je ne sache rien à faire à ce vaisseau que calfater. Les hauts : pour sa mâture son mât de misaine m’a paru gâté, les autres étant bons.
À Lorient ce 20 juin 1743
De la Chaise