Le Saint-Louis – Un navire négrier

Le 18° siècle voit l’apogée de la traite des Noirs. Selon l’historien Patrick Villiers « La plupart des Européens y sont favorables, essentiellement pour des raisons économiques« .

Dès 1712, avec la fin de l’Asiento (privilège d’introduire les esclaves dans l’empire espagnol), les armateurs français expriment le souhait d’armer librement des navires à la traite.

Entre 1716 et 1721, les ports de Rouen, Saint-Malo, Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Honfleur, Le Havre, Marseille et Dunkerque obtiennent le privilège royal de la traite. Nantes, avec 12 armements par an, est alors le premier port voué à ce trafic.

A partir de 1723, la Compagnie des Indes, basée à Lorient, s’engage à livrer elle-même au moins 3000 esclaves par an aux Antilles françaises. Mais les coûts sont élevés et les résultats médiocres.

Rédigé entre 1729 et 1731, le rapport du Capitaine du navire négrier le Saint-Louis nous rend compte de ce commerce des esclaves.

Le Saint-Louis est un navire de la Compagnie des Indes jaugeant 250 tonneaux avec un équipage de 52 hommes. Il est commandé par le sieur Breban et quitte Lorient le 10 juillet 1729 à destination du Sénégal qu’il atteint le 8 août, pour charger des hommes qui vont devenir des esclaves.

Pendant plusieurs mois, il reste dans la région (île de Gorée, Gambie) en attendant une cargaison d’hommes. Des difficultés d’approvisionnement au Galam ont lieu à la fin de l’année 1729 et aucun « Noir » n’est disponible. Comble de malchance quand des « Noirs » sont prêts à être chargés, c’est La Diane qui prend la cargaison destinée au Saint-Louis.

Ce n’est que le 14 septembre 1730 qu’il quitte Gorée, soit plus d’une année après son arrivée au Sénégal. Il a à son bord 279 nègres et 71 négresses et fait route sur le Mississipi. Le 24 du même mois, il subit une avarie qui l’oblige à relâcher en Martinique. Le 20 octobre, le médecin et le chirurgien du lieu, montent à bord et constatent que 81 nègres et 21 négresses sont scorbutiques. La décision est prise de les débarquer et de repartir sur la Cayes Saint-Louis à Saint-Domingue.

Là, une nouvelle fois, il débarque 46 nègres et 2 négresses scorbutiques. Le 12 décembre pour compléter sa cargaison, il reçoit de La Néréide : 74 nègres, 24 négresses, 17 négrillonnes, 8 négrillons ainsi que 8 nègres de la Cayes Saint-Louis.

Il repart le 15 décembre et arrive à l’entrée du Mississipi le 15 janvier. Le 28 de ce mois, 291 Noirs sont débarqués par pirogue à la Nouvelle-Orléans et le navire attend à l’entrée du Mississipi pour passer la barre. Il mouille à la Nouvelle-Orléans le 26 février. Le 3 avril, il repart pour la France et arrive à Lorient le 5 juillet 1731 après 2 ans de navigation et 6 morts dans l’équipage.

Dans son rapport, le capitaine fait le décompte macabre des Noirs morts pendant le voyage et c’est ainsi qu’il indique par le détail qu’il y a eu 41 décès se répartissant comme suit :

« Depuis Gorée jusqu’à la Martinique : nègres, 16 ; négresses, 4.
Depuis la Martinique à La Caye St Louis : 5.
Depuis La Caye St Louis à la Nouvelle-Orléans : nègres, 15 ; négresse, 1.« 

Il explique ensuite pour quelle raison il a débarqué des Noirs et a été obligé d’en acquérir d’autres pour compléter sa cargaison. Puis, il demande à être indemnisé pour les dépenses qu’il a réalisées pendant les deux ans passés en mer en ces termes : « […] j’espère Monseigneur que vous ne me blâmasse aucunement, ayant fait le tout pour le mieux. Vous assurant que je n’ay fait aucun commerce et j’espère qu’il n’y aura aucune plainte de qui ce soit contre moy et pensant que vous voudrez bien m’accorder une gratification des dépenses considérable que j’ay fait depuis deux ans que je suis à la mer […]« .

Vers l’article complet de Jean-Yves Le Lan

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